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La Chimère

Le samedi 02 décembre 2023, par Laurent Sapir
L'improbable gang de pilleurs de tombes dont Alice Rohrwacher filme les pérégrinations dans "La Chimère" confirme malheureusement son statut de cinéaste surcotée.

Rustique et fantasmatique, l'univers d'Alice Rohrwacher a singulièrement renouvelé le cinéma italien. Exploratrice d'une ruralité où se mêlent paysages de fin du monde et genèse d'une nouvelle humanité, cette cinéaste privilégie également une narration en zigzag dépourvue de toute mécanique horlogère. Il en résulte dans le meilleur des cas (Heureux comme Lazzaro)  une grâce et une poésie qui détonnent face à des machineries trop huilées, même si la part d'insolite qui advient à l'écran peut aussi dérouter. La Chimère, hélas, comme Les Merveilles qui lui avait valu un Grand Prix du Jury étonnamment précipité à Cannes en 2014, relèvent de la veine la moins opérationnelle de Rohrwacher, celle que plombe un propos brouillon, dispersé et extravagant.

On est pourtant tellement prêt à les suivre, au départ, ces tomborali, autrement dit ces pilleurs de tombes et de vestiges archéologiques qui crapahutent à travers le sud de la Toscane dans les années 80. Un Anglais (Josh O'Connor) quelque peu taciturne -il sort tout juste de prison- les guide. Muni d'un don de médium et d'une baguette de sorcier, il détecte les endroits où il faut creuser pour dénicher des trésors enfouis qui nourriront plus tard des trafics d'art. Sauf que le vide des cavités souterraines qui abritent de virtuelles chambres funéraires antiques fait écho en lui à un autre vide. Celui d'une femme aimée dont il ne parvient pas à faire le deuil.

Bon, cette correspondance entre les deux vides, c'est dans le dossier de presse du film qu'on la trouve. À l'écran, les flashbacks et visions récurrentes de la femme disparue s'insèrent bien lourdement dans les pérégrinations de la bande de pilleurs. On y retrouve, certes, l'inclination d'Alice Rohrwacher pour des communautés marginalisées, à l'instar des apiculteurs des Merveilles et des métayers féodalisés d'Heureux comme Lazzaro, mais entre fable utopiste, méditation christique, séquences dramatiques et impromptus musicaux avec des personnages qui se mettent soudainement à chanter, tout cela est trop hétéroclite pour convaincre. Restent quelques moments marquants, dont l'un fait directement écho à la fameuse scène du "métro" dans Fellini Roma.

La Chimère, Alice Rohrwacher, en compétition au dernier festival de Cannes (Sortie en salles le 6 décembre)  

 

 

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